CONCLUSIONS GÉNÉRALES DU 2e CONGRES
MONDIAL DU RÉSEAU CIELO « QUATRIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ET
GLOBALISATION : LA PROTECTION DE L’EMPLOI, LA SANTÉ ET LA VIE PRIVÉE DES
TRAVAILLEURS FACE AUX DÉFIS DU FUTUR »
12 et 13 octobre 2018
Faculté de droit. Université de la République
Montevideo (Uruguay)
Esperanza Macarena SIERRA BENÍTEZ
Professeur à l’Université de Séville (Espagne)
Mesdames et messieurs,
C’est un grand
honneur pour moi de présenter les conclusions générales du 2e
Congrès mondial du réseau CIELO dans cette belle et hospitalière ville de
Montevideo qui possède une histoire et une culture si riches. Le thème du
Congrès, « Quatrième révolution
industrielle et globalisation: la protection de l’emploi, la santé et la vie
privée des travailleurs face aux défis du futur », qui nous réunit au
sein de l’Université de la République, a rassemblé les travaux de 17
pays : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Cuba, Équateur,
Espagne, France, Italie, Mexique, Pérou, Pologne, Portugal, Suisse, Uruguay et
Venezuela.
S’agissant de
l’organisation de ce congrès, durant ces deux jours d’intense activité se sont
tenues trois sessions plénières – y compris cette session de clôture – et 15
sessions thématiques (organisées en 12 séminaires). Ont également été présentés
divers posters, le rapport de l’OIT et plusieurs ouvrages.
La participation a
été importante et de qualité, et il nous faut féliciter pour cela les quelque
140 participants qui ont présenté leurs contributions avec la rigueur
scientifique requise dans ce laps de temps court et qui, grâce à leurs
réflexions et conclusions, m’ont permis de rédiger les conclusions générales
qui suivent dans lesquelles j’ai souhaité tenir compte du contenu de chacune
des sessions plénières et thématiques, rassemblant lesdites conclusions par
blocs de thèmes traités.
Il convient tout
d’abord de commencer par ce que la 4e révolution industrielle
suppose pour l’emploi et les défis qui nous attendent. L’entreprise connectée
et gérée grâce à des processus automatiques faisant appel à l’intelligence
artificielle ainsi que les plateformes technologiques ont généré un nouveau
type de travailleur plus autonome et possédant une capacité d’innovation et
d’adaptation au changement. Cet élément disruptif conduit à ouvrir un débat
autour de la protection du travailleur conforme aux institutions et normes en
vigueur existant en Droit du travail et de la sécurité sociale. Comme cela a
été dit durant ce congrès, la technologie qui a généré ces changements ne doit
pas être seulement appréhendée comme un instrument d’oppression qui peut porter
atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs et à la dignité humaine, mais
également comme un mécanisme de libération qui peut être utilisé par
l’inspection du travail elle-même pour contrôler le respect de ces droits. Ce
faisant, il a été expliqué que le dialogue social et la régulation aux niveaux
national et international peuvent être utilisés, d’un point de vue légal et
éthique, comme un moyen de maintenir la technologie au service de l’être humain
dans sa globalité, non seulement comme consommateur et entrepreneur mais
également comme travailleur.
Par conséquent, la première conclusion générale à tirer,
qui me paraît assez basique, est que la
technologie doit être au service de l’être humain. La dignité humaine, comme fondement du « vivre ensemble »,
doit être préservée des dangers liés aux technologies disruptives. Ce faisant, la régulation étatique et internationale
ainsi que le dialogue social sont les mécanismes qui doivent œuvrer au
maintien de l’État de droit afin de défendre les droits humains des citoyens et
des travailleurs face aux risques que la technologie peut provoquer.
La seconde conclusion générale
que l’on peut tirer de ce congrès, c’est qu’il
est nécessaire, à l’ère du numérique, de réfléchir au
concept de travailleur au sein même des nouvelles formes d’aliénation et, de
manière générale, de repenser l’emploi numérique à l’aune du Droit du travail,
en amplifiant les droits humains au travail pour incorporer les valeurs
éthiques au sein de l’entreprise. De même, il
est indispensable, face aux avancées technologiques de l’industrie 4.0, de repenser, du point de vue normatif, la
figure de l’employeur.
Troisième conclusion : si nous voulons résoudre au niveau national
les problèmes que pose le phénomène d’internationalisation des relations du
travail, nous devons appréhender une bonne fois pour toutes les défis depuis
une perspective internationale. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut
citer quelques facteurs de risques à prendre en compte : l’élaboration de
contrats « intelligents » formalisés dans des contrats susceptibles
d’être exécutés plus ou moins automatiquement, les e-Sports ou les compétitions
de jeux vidéo en lignes, les processus de tertiarisation des entreprises, les
transformations dynamiques du marché du travail, la digitalisation du marché du
travail et ses effets sur la santé (droit à la déconnexion, protection sociale
des travailleurs), etc.
Quatrième conclusion générale : la globalisation nécessite un nouveau contrat social mondial
enfin de maintenir un modèle de gouvernance internationale axé sur les
principes internationaux du travail, garantissant un travail décent pour tous
et respectueux des libertés démocratiques et les droits individuels et
collectifs au sein des relations de travail, ainsi que la tant attendue
protection sociale universelle en Amérique latine. Il est indispensable
d’appliquer de vastes politiques qui réduisent la survenue de cycles
économiques défavorables et qui assurent un niveau de compétence aux autres
économies émergentes, suivant les moyens proposés par la banque interaméricaine
de développement.
Cinquième conclusion générale : nous devons affronter les défis soulevés par les nouvelles
technologies à l’égard des droits fondamentaux des travailleurs.
Par exemple, le
harcèlement sexuel au travail a été appréhendé comme une forme de violence de
genre qui nécessite l’instauration de politiques publiques en matière de santé
mentale dirigées vers l’ensemble de la population afin que le travail puisse se
réaliser dans un environnement sain et équilibré.
La liberté
d’expression au moyen des réseaux sociaux nécessite toujours de parvenir à un
équilibre suffisant entre les droits des travailleurs pour respect de leur vie
privée et le droit qu’à l’entreprise de contrôler et de s’assurer de sa bonne
réputation.
De la même manière,
il est indispensable de garantir la protection du travailleur face aux
nouvelles formes de discrimination concernant son orientation et sa situation
sexuelle et, par conséquent, la protection du collectif LGBTI au niveau du
droit international ainsi que dans chaque État.
Face aux situations
de harcèlement, de stress ou encore de burnout, il est nécessaire, là où elle
n’existe pas, d’adopter une loi pour que soit reconnue une responsabilité
éthique de tous ceux qui sont concernés par le maintien d’un cadre de travail
sain.
Le droit à la grève
reprend de son importance dès lors que les technologies peuvent favoriser son contournement grâce à l’utilisation
des briseurs de grèves. De ce point de vue, il est indispensable de recourir au
dialogue social comme moyen de résoudre des conflits.
Sixième conclusion générale : en matière de conciliation entre la vie personnelle et
professionnelle et la vie privée du
travailleur, il est nécessaire de bâtir un corpus normatif qui assure aux
travailleurs les ressources indispensables pour lutter contre les pratiques du
XXe siècle : garantir un temps de travail qui permette la conciliation
entre la vie personnelle et le travail (principe d’égalité de genre), en
garantissant le droit à l’intimité lorsque la prestation de services est
réalisée au moyen des nouvelles technologies telles que, par exemple, le
télétravail.
Je m’arrête ici car
j’imagine que nous voulons tous partir.
J’aimerais
remercier celles et ceux qui ont participé et ont rendu possible l’organisation
de ce congrès qui un été si fructueux au niveau des échanges d’idées qu’il a
permis.
Et puisque nous
sommes en Uruguay, je souhaiterais terminer avec une phrase attribuée au fameux
poète Mario Benedetti qui, selon moi, définit parfaitement la situation à
laquelle est confronté le travail face aux défis de la quatrième révolution
industrielle, de la globalisation et d’un monde en constante évolution :
« Quand nous croyions que nous possédons tous
la réponse, soudain nous nous changeons toutes les questions ».
Esperanza Macarena
Sierra Benítez, Université de Sevilla
Publicado en:
https://www.pantheonsorbonne.fr/fileadmin/ISST/PDF/Discours_cloture_Montevideo_M_SIERRA-BENITEZ_13oct2018_.pdf
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